La frise des générations « Vivre l’expérience de l’intergénérationnel »

Article proposé par Sandrine Pellier que nous remercions chaleureusement pour cette contribution - l’équipe de la Fabrique Narrative

Quand mon amie Anne-Marie, me sollicite pour une conférence sur le management intergénérationnel pour une cliente, je n’hésite pas à appeler la Responsable des ressources humaines curieuse d’en savoir plus.

Pourquoi avoir osé alors que je ne suis pas conférencière et que cette posture est loin d’être aisée pour moi ? 

Cette thématique me connecte de suite avec l’expérience que j’ai eue lors de l’atelier « l’absent mais implicite » sous forme de frise avec Elizabeth Feld et Catherine Mengelle où je me revois m’émerveiller de cette génération d’avant moi raconter mai 68 et leur jeunesse. Cette séquence aura été une réelle prise de conscience de la façon dont j’ai été élevée par ma mère et ce sentiment que tout était possible pour moi en tant que femme ! Une très jolie conversation narrative aura d’ailleurs lieu avec ma mère ! Quel bonheur de la regarder se rappeler de sa jeunesse et d’inviter avec nous les yéyés !

Cet atelier de la frise aura été un révélateur des évènements majeurs pour les jeunes trentenaires présents. Entendre ce que cela dit de leur vision du monde enrichit mon regard et ma compréhension de leurs attentes.

J’explore longuement avec ma cliente sa situation : difficulté à recruter des jeunes, difficulté à fidéliser ces apprentis et à les intégrer durablement dans l’entreprise, incompréhension des managers sur les attentes des jeunes salariés, envie forte des jeunes d’aller vers des métiers émergents que l’entreprise sous-traite aujourd’hui… Impuissance, incompréhension face à cette problématique RH grave font leur entrée dans les propos de ma cliente.

Son attente pour cette séquence éclairée : « Faire prendre conscience aux managers de l’entreprise du fonctionnement de la jeune génération et de la nécessité de faire bouger ses lignes sur la question du management ». Je lui propose d’abandonner l’idée de faire une conférence et de mettre la modalité de l’après-midi au service de la thématique. Je formule une proposition autour de la rencontre des générations et d’apports complémentaires suite à mes travaux de recherche.

Il est important ici d’honorer le courage et le « saut dans le vide » de ma cliente. C’est une première pour moi autant que pour elle. Qu’elle accepte de s’exposer ainsi au sein de son entreprise en me confiant cette mission et de s’autoriser à vivre une nouvelle expérience me remplit de gratitude !

Je suis au clair avec mon intention : leur permettre de vivre l’expérience de l’intergénérationnel en les faisant se raconter, s’écouter et partager sur leurs ancrages.

Babyboomers, Génération X, Génération Y et Génération Z se retrouvent en scène pour cette après-midi passée ensemble. Ils sont 24 en cette belle après-midi ensoleillée à vivre l’expérience de l’intergénérationnel.

Salle installée, chaises poussées, PC fermés, consignes énoncées, la 1ère séquence démarre en leur faisant visualiser qui est de quelle génération au travers des années de naissance et ainsi les faire constituer les groupes : 4 paperboards pour 4 générations et un temps de réflexion/partage en atelier par petits groupes.

Première surprise simplement en les faisant se déplacer face au paperboard, 95 % de l’équipe est de la génération X : un premier beau moment de prise de conscience de la constitution de leurs instances de décisions et de la forte présence des personnes nées entre 1960 et 1980. Seules 3 personnes sont nées après 1980 et comme attendu, aucune de la génération Z (née après 1995) n’est présente.

Se rencontrer, se raconter, se souvenir et identifier les évènements et personnages historiques qui les rassemblent est la seconde séquence.

Je constitue des petits groupes de trois et voici les questions auxquelles ils prennent plaisir à répondre, avec beaucoup d’enthousiasme et de rires, et à se découvrir autrement :

  1. Quels sont les 3 événements majeurs, 3 personnages qui ont à votre avis marqué votre génération lorsque vous étiez jeune (entre 0 et 20 ans) ?

  2. Qu’est-ce que cela dit de votre façon de voir le monde, votre système de pensée, quelles incidences cela a-t-il eu sur votre vision du monde ?

  3. Qu’est-ce que cela vous fait de vous remémorer cela ?

Je prends le temps avec eux de les faire restituer avec la consigne d’écouter puis de questionner pour compléter le propos. Chacun s’écoute avec attention, intérêt et curiosité. Les nombreux petits groupes de 3 de la génération X se retrouvent sur les mêmes thématiques et les valeurs communes qui les rassemblent.

Le petit groupe de la Génération Y découvre avec surprise cette génération tout feu tout flamme qui parle de liberté,  de créativité et de franc-parler mais aussi de goût de l’effort et de la réussite. Ils expriment avec sincérité une meilleure compréhension des difficultés rencontrées dans les relations.

Se mettre à l’écoute des voix minoritaires, celles de cette génération Y peu présente, permettra au groupe Génération X d’avoir une autre appréciation de ces plus jeunes avec qui ils travaillent au quotidien.

Et la Génération Z me direz-vous ? Cette génération au cœur de notre propos, celle qui paraît tellement « éloignée, compliquée, non comprise, voire jugée », qui met en péril nos fondamentaux, est absente de l’après-midi. Comment rendre audibles ces voix, absentes lors de cette réunion et si précieuses pour l’équipe en place ? Un mois et demi avant la réunion, quelques managers volontaires auront mené des entretiens pour questionner les mêmes sujets et être les porte-paroles de ces jeunes absents mais représentés.

Les consignes données pour les managers qui restituent sont importantes pour garantir ces voix. Je leur demande donc de restituer comme s’ils étaient à leur place, sans jugement, ni interprétation. La consigne : Vous êtes leurs porte-voix.

Quelques extraits des questions posées :

  1. Quels sont les évènements majeurs pour toi ? À quoi accordes-tu de l’importance dans ta vie professionnelle ? As-tu une entreprise idéale ?

  2. Nous passons par ailleurs un peu de temps sur ce qui s’est passé pour eux lors de ces restitutions :

  3. Qu’est-ce que cela vous fait, vous fait dire, de lire cela ?

  4. Qu’est-ce que cela vous fait de les avoir interrogés ? 

 

Chacun sera attentif à écouter ce que restituent les managers. La discussion sera riche en compréhension mutuelle, en étonnement et en partage d’expériences. La conclusion de cette journée se fera au travers de 3 questions que chacun aura à cœur de restituer sur un immense paperboard débordant de post-its : 

  1. Qu’avez-vous appris cette après-midi ?

  2. Quelles compréhensions nouvelles avez-vous de la thématique ?

  3. Qu’est-ce que cela vous invite à faire ?

 

Quelques beaux cadeaux auront jailli de ces quelques heures passées ensemble:

 « J’ai adoré rencontré mes collègues sous cet angle-là »

« J’ai redécouvert mon fils et je le comprends mieux »

«  Je comprends mieux pourquoi je réagis différemment »

« J’ai envie d’interviewer plus de jeunes au sein de mon entreprise »…

« Une vraie prise de conscience de devoir évoluer et écouter... »

« Une montagne à gravir mais l’envie d’approfondir... »

 

Utiliser l’absent mais implicite, vouloir faire parler les voix minoritaires, cultiver la posture d’ouverture et d’enquêteur vis à vis des jeunes, déconstruire l’idée que « nous avons raison, ils ont tort », faire émerger des communautés ayant conscience de leurs valeurs communes, seront les ingrédients de la construction de mon accompagnement.

Ce beau moment de partage, de rigolades, de découverte de chacun aura été une première pour cette belle équipe. C’est une  première étape pour ce collectif soucieux de bien faire et d’aller à la rencontre des plus jeunes. Ils sont en chemin vers un mouvement nécessaire à leur continuité et la co-construction d’une réponse singulière dans un environnement d’une grande complexité.

Pour ma part, ce que j’en retire : Ose ! Ose une proposition décalée. Fais confiance à tes clients pour co-construire ensemble, honore les histoires de chacun et le socle de leurs valeurs, fais-leur prendre le temps de la réflexion, de la rencontre et de la découverte…

Et aussi… 3h c’est beaucoup trop court ! Seule pour un collectif de 24, c’est super mais bien sportif ! J’aurais pu aller plus loin en leur faisant renommer les termes Génération X ou Génération Y…. Écrire une documentation de leur journée... Bref, je n’ai qu’une envie, c’est recommencer pour m’améliorer et vivre de nouveau cette adrénaline du coaching collectif narratif !

Merci à Anne Marie pour la mise en relation, à Sandrine pour sa confiance et à Catherine et Bernard pour leur encouragement et leur supervision !

 

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