L’esprit de la pratique par la pratique - Le projet identitaire et social de l’approche narrative et de l’aïkido - Résonances

C’est incroyable comme un simple encouragement peut ouvrir la voie vers une réflexion profonde. C’est ce que nous partage Sophie dans cette résonance inédite entre art martial et pratique narrative. Ce texte offre en filigrane une autre métaphore possible du principe de « danse relationnelle » (chère à K. Gergen). Sophie déconstruit aussi l’idée de l’affrontement ou du combat en établissant une connexion entre art martial et art de la rencontre. Elle nous apprend que si l’héritage culturel japonais pose la rencontre des corps sous l’angle du combat, il s’agit ici d’une conception du combat avant tout esthétique et d’une question de synchronisation plutôt que d’une conception tordue par l’Occident qui renvoie l’art martial au seul combat d’opposition duale entre vainqueur et vaincu parfois même détruit. Il y a ici quelque chose qui positionne Uke et Tori comme co-auteurs d’une chorégraphie à la fois singulière et codifiée qui les consacre vainqueurs tous les deux et ensemble. Et pour en revenir à la pratique, il y a peut-être aussi l’idée que l’énergie du problème pourrait être re-chorégraphiée par l’énergie du vivant que nos questions affûtées attiseraient avec moultes précautions, comme le fruit d’une resynchronisation des corps dans une langue que seuls les co-auteurs connaissent. Ainsi le combat serait davantage une histoire de connexion, de place, de retrouvailles et de dignité en vertu d'une recherche intentionnelle d’un apaisement des conflits. Touché ! Merci Sophie.

Et pour le fun, cela m’inspire jusqu'à une réplique (imaginaire) d’un célèbre Jedi : 

« Si apaisement des conflits il y a, moins de carburant au problème tu donneras » - maître Yoda ;-)

Alexandre Mougne


par Sophie Bouhier, coach narrative à Toulouse et aïkidoka

Extrait d’un échange récent avec Catherine Mengelle :

« - Ce que tu me dis, Catherine, ressemble à la manière dont je vois l’aïkido. Il y a des similitudes. »

« - Écris un article sur cette idée. »

Il n’a pas fallu m’en dire plus pour que je me saisisse de l’opportunité. L’idée d’explorer ce qui semble de prime abord deux approches et pratiques distinctes, dans leur forme et dans leur projet, et y trouver des résonances a piqué ma curiosité.

Et pourquoi pas ?

« Le plus court chemin de soi à soi passe par autrui » - Paul Ricoeur

L’exploration et l’expérience ne sont possibles qu’en se décalant un peu. Il faut accepter de faire un pas de côté et de faire surgir des questions, les créer, exprès pour le propos. On n’est jamais sûr quand on explore de ce que l’on va trouver. Et dans le fond, c’est cela qui est intéressant. Les liens ne peuvent se faire que dans l’intention de les faire ou pas. Est-ce le vagabondage sans aucune attente ou l’intention avec laquelle on part, ou la combinaison des deux, qui rend le cheminement intéressant dans le voyage ?

En proposant des liens, mon intention n’est pas de trahir la complexité originale de chacune des disciplines. Mais en tant que praticienne ou pratiquante des deux « philosophies », depuis plus de 15 ans pour l’aïkido et plus récemment pour l’approche narrative, cet article me permet de faire une mise au point, révélant en arrière-plan mon positionnement par rapport au monde et ma propre quête de sens : Qu’est-ce que cela dit de moi, de la personne que je suis, de mes intentions, de ma manière d’accompagner les personnes, de mon rapport à la pratique ?

« Nous sommes tous des fabricants de sens actifs et passionnés, à la recherche de récits plausibles », dit en effet Clifford Geerzt, anthropologue américain.

Explorer des possibles, enquêter, rechercher, vivre par l’expérience, pratiquer… surtout pratiquer... et en extraire quelques savoirs et principes, je devine une première réponse à mon questionnement sur des liens possibles. Il ne me reste plus qu’à aller plus loin.

C’est donc du dedans, de l’intimité de mon expérience que je vais frayer le chemin de ma réflexion et trouver des perspectives de mise en relation, ces pépites narratives, dans les croisements de chacune de leur ligne.

Et puis, à la fin, les laisser continuer chacune de leur côté.

Le récit et l’identité : voilà une première pépite

L’aïkido et l’approche narrative utilisent les récits pour explorer des possibilités alternatives et ré-écrire une histoire parmi toutes celles possibles, toutes aussi vraies les unes que les autres – aussi vraies qu’elles sont fictives.

S’il est plus facile de comprendre en quoi l’approche narrative utilise les récits pour redevenir auteur de sa propre vie (processus de re-authoring de White et Epston), il me faut expliquer en quoi l’aïkido peut être vécu également comme une forme de construction d’un récit. Qu’y a-t-il de narratif dans l’aïkido ?

Je ne parle pas de l’histoire légendée qui se raconte autour de cette pratique martiale, ancrée dans une tradition plus ou moins fantasmée, et qui crée bien des illusions sur le propos de la pratique, avec comme effet d’en éloigner parfois le pratiquant de son coeur.

Je veux dire ici que l’aïkido, art martial, proposant à chaque séance une simulation de combat, se vit comme une conversation (« Fragments de dialogue entre deux inconnues », Franck Noël**) entre Uke et Tori, respectivement et de manière à simplifier, entre l’attaquant (Uke) et l’attaqué (Tori). Les deux protagonistes élaborent ensemble au coeur d’une pratique physique intense une forme de récit dont le projet et le dénouement recherchés serait « l’apaisement des conflits ».

S’il y a fiction par la simulation, le récit investi dans un acte de co-création des deux pratiquants d’aïkido, semble sur le moment bien réel. Mais comment se construit ce récit et dans quel but ? Il ne s’agit pas de partir sans boussole, mais avec des intentions bien solides, formulées et cartographiées, à l’instar de l’approche narrative.

Les deux pratiques concentrent leur intention dans le but de faire émerger au fil de la conversation des compétences, des ressources, des valeurs, des rêves qui viendront enrichir l’identité des personnes pratiquantes. Elles élargissent des perspectives. Elles visent à redonner espoir, beauté, dignité aux personnes et du pouvoir d’agir .

Ce qui en fait deux pratiques poétiques et esthétiques.

Elles ne se perdent pas à poursuivre des buts à seules fins « utilitaires » et enfermantes, comme celle de vaincre un ennemi. Cela aurait pour conséquence dans le cas de l’aïkido une issue finale fatale pas seulement pour Uke, mais aussi pour Tori.

Car l’ennemi désigné peut à son tour devenir soi-même, dans un combat en miroir, en résonance, dont les rôles s’inversent tout le temps, jusqu’à parfois ne plus savoir dans un échange qui de Uke ou Tori est instigateur de la suite du récit.

Comme dans l’approche narrative, combattre le problème n’aurait comme but que de le renforcer. Ce jeu de miroir entre Uke et Tori qui leur permet d’entrer en résonance n’est pas sans rappeler d’une certaine manière la pratique du témoin extérieur développée par White qui permet de résonner sur le récit de la personne.

Dans la pratique de l'Aïkido, la compétition est absente de son projet martial. En choisissant de le situer dans une intention d’apaisement des conflits, il prend les attributs d’un projet beaucoup plus social. Il ne peut y avoir ni gagnant, ni perdant, au grand détriment de ceux qui voudraient y voir la métaphore d’une pratique sportive de self défense, développant la puissance du combattant. Cette manière dualiste de se représenter la pratique a pour conséquence de l’appauvrir.

Comment ne pas confondre le moyen, la métaphore et le projet dans l’image bien présente figurée par le combat, histoire dominante de l’aïkido ?

Il serait préférable alors dès l’amorce de l’échange, de mettre en oeuvre l’esprit de dignité (ie l’esprit qui sert à dignifier l’échange), point de départ du nouveau récit dans lequel va s’inscrire le dialogue martial. Le moment de la rencontre est figuré par le Atari (signifiant l’attaque, la première rencontre des deux corps).

Qu’est-ce qui en fait un récit ?

Nous pourrions, comme David Epston le fait dans la conclusion de « Réimaginer l’Approche Narrative » (p 268), citer Cheryl Mattingly, elle-même citant E.M. Forster :

« Les personnages plats, dans leur forme la plus pure, sont construits autour d’une seule idée ou qualité. Une fois identifiés, les personnages plats ne nous surprennent jamais, ne vacillent jamais. Ils font exactement ce qu’ils sont censés faire, ni plus ni moins. Les personnages ronds, en revanche, possèdent des qualités multiples, des ambiances obscures et des contradictions flagrantes. Plus important encore, ils sont capables de changer. »

Un bon récit est un récit composé d’intrigues, de rebondissements. Il fait intervenir de nombreuses anecdotes, des dialogues, des questions, des personnages importants. Soit tous les ingrédients des conversations narratives pratiquées par le coach ou le thérapeute avec la personne qui vient la consulter et se déroulant sur les paysages de l’identité, de l’action et de la relation dans le processus de re authoring (Michael White in « Maps of Narrative Pratice »).

Le dialogue martial, se déroulant de manière physique, s’engage directement sur le paysage de l’action par la rencontre entre Uke et Tori, à l’aide d’une attaque amenée par Uke ou la sollicitation de celle ci par Tori. Ce dialogue se poursuit par des déséquilibres et recherches d’équilibre d’Uke et va finalement aboutir à sa chute. Il s’agit pendant toute la durée de la pratique de faire en sorte que les techniques, réalisées (attaques, réponses, immobilisations, etc.) reflètent le plus possible les principes et valeurs de l’aïkido, son esprit. Tout le long de la pratique, Uke et Tori chercheront à appliquer ces principes, enrichissant leur compétence et comme en pratiques narratives, leur paysage de l’identité mutuels.

Voici quelques-uns de ces principes : relâchement, posture équilibrée appelée shisei, respect de l’intégrité… Ils sont le préalable posé, la recherche de tout pratiquant qui permet la réussite du dialogue.

La pratique d’une activité martiale aurait-elle pour projet, et pas seulement comme conséquence, l’émergence de qualités dignifiantes dont les effets visibles seraient également esthétiques ? À l’instar du poète, l’aspect esthétique que donne à voir la pratique ne serait-elle pas une forme de résistance à la destruction que proposerait l‘attaque ?

La chute finale d’UKE (l’attaquant) se retrouve elle aussi dignifiée. Parce qu’il chute, Uke peut se relever. Elle rend le pratiquant digne. La chute en devient elle même esthétique. Un pratiquant m’a dit un jour que ce qu’il préférait dans la pratique de l’aïkido, c’était les chutes qui lui permettaient toujours de se relever et reprendre ainsi de l’énergie.

Bien loin des métaphores de combat, souffrance, dépassement de soi, l’aïkido déconstruit les discours dominants de la chute, et de l’échec. Comme l’approche narrative qui déconstruit avec la personne les discours, prenant soin de situer les problèmes des personnes dans un environnement très large.

Une autre intersection apparait dans les lignes de ces deux pratiques.

La pratique comme un art, les outils et l’artiste, sa posture : ce qui fait de ces deux pratiques des arts

Une conversation narrative démarre par une question et puis s’enchainent d’autres questions qui vont permettre de cheminer. Les questions sont les outils des praticiens narratifs, un art qu’il ou elle peaufine au fur et à mesure de ses accompagnements pour aider la personne à sortir des discours dominants de problèmes et explorer avec elle des chemins ouvrant d’autres possibles, écrire un nouveau récit dont elle redeviendra l’autrice.

En quoi la posture narrative et celle de l’aïkido pourraient se rejoindre dans une autre intersection de leur deux lignes ?

En aïkido, nous parlons de neutralité. Alors qu’en approche narrative, nous parlons d’une posture décentrée et influente, ce qui n’est pas neutralité... Les questions posées doivent permettre à la personne de trouver un autre chemin. Elles peuvent l’amener là ou elle ne s’y attendait pas, ouvrant ainsi d’autres portes. La simple neutralité ne serait d’aucune utilité pour le patient qui se retrouverait alors seul à tourner en rond. Mais il ne s’agit pas non plus d’imposer son avis dans le chemin qu’il conviendrait de prendre, ni d’imposer ses questions. Il s’agit d’avoir une posture généreuse, tournée vers la personne.

Quel est donc le principe de neutralité dont parle l’aïkido ?

Dans l’échange martial proposé, il est bien question d’ouvrir à d’autres possibles que ceux proposés par l’attaque .On parle d’engagement de la part du pratiquant. Sans « attaque » et « réponse » sincères, il n’y a pas de relation martiale possible. La sincérité est vécue ici comme une intention généreuse, sans intention de nuire. La neutralité serait vécue comme le reflet de la posture du pratiquant ne cherchant pas à poursuivre un but en vue d’imposer sa puissance et sa volonté à son partenaire. La neutralité est alors recherchée pour ne pas contraindre l’autre, ne pas projeter ses désirs sur l’autre, trop pressés qu’on est d’en finir et de l’amener à la chute.

C’est avec la posture de non expert, replaçant le savoir au coeur de la personne, et le regard d’amour que le praticien narratif se lance dans la conversation. C’est ce « loving eye » de Marilyn Frye, philosophe féministe américaine, témoignant de la douceur que l’on peut observer notamment chez White avec ses patients.

Il y a un principe important dans la pratique de l’aïkido : la « qualité de relâchement ». Les gestes techniques doivent pouvoir s’exécuter sans force, sans rigidité, proposant un relâchement à l’autre dès le démarrage de la relation martiale. C’est cet esprit qui guide la pratique.

La notion d’esprit m’a été inspirée par la lecture du chapitre 8 de Travis Heath in « Reimaginer les pratiques narratives », chapitre témoignant d’un atelier avec des praticiens visant à faire émerger les esprits qui conduisent le travail dans la pratique narrative, comme une façon de déambuler « sans étape ni formulaire ». Ce livre co-écrit avec David Epston et Tom S. Carlson est centré sur l’apprentissage des thérapeutes narratifs à l’aide de l’ethnographie, les témoignages des récits des thérapeutes avec leur patient. Le récit du récit fait émerger les esprits à l’oeuvre.

Je me souviens d’avoir posé la question à Franck Noël sur le but de la pratique de l’aïkido. Il avait répondu à peu près dans ces termes, que le but de la pratique, c’est la pratique. Il se situe dans la pratique. L’apprentissage de l’approche de la pratique narrative, comme pour l’aïkido, se centre sur la pratique, elle passe par la pratique au coeur de laquelle se trouve l’esprit.

Alors à quoi sert tout ceci ? Cela revient à se poser la question de savoir à quoi sert l’art de l’artiste. Car il est quand même bien question que cela serve à quelque chose pour la personne qui vient consulter le coach ou le thérapeute, mais ce quelque chose surgit de surcroit, comme une conséquence et parfois là où on ne l’attend pas...

La technique est-elle l’art ? À quel moment lâcher les protocoles pour laisser se développer l’art ?

L’aïkido a une forme de langage propre. Ce langage, comme tout langage, a son histoire et sa culture, ses propres règles, sa propre structure qui permettent d’en maitriser le signifiant. L’apprentissage de ce langage est indispensable à tout aikidoka (pratiquant d’aïkido) pour pouvoir évoluer dans sa pratique. Il y a une forme de pratique appelée le « juwasa » qui correspond à un « combat libre », échange entre Uke et Tori, qui se situe dans la présence au moment, comme une improvisation. Nul ne sait où cela va mener.

Plus on pratique et plus le juwasa s’enrichit et devient plaisant. C’est la fin de l’apprentissage des techniques, sanctionnée par l’obtention du 1er dan, ceinture noire, qui ouvre le chemin du début de la pratique et le fait évoluer vers celui d’un art.

Faire de l’aïkido une application de techniques sportives, physiques, visant à gagner un combat, au-delà du fait que c’est une quête vaine, reviendrait à rester à la porte de ce qui en fait un art, tout comme ne voir dans la pratique narrative que l’application de certains gestes, à suivre absolument.

Il semblerait que l’intention de Michael White avec « Maps » était d’éclaircir et de partager le processus avec lequel il travaillait en le formalisant et de nous inviter à ne pas considérer ces cartes comme un protocole à suivre absolument qui nous en ferait oublier l’esprit, la philosophie qui gouverne cette approche. L’approche narrative me semble tellement créative.

L’art est il une forme d’engagement social ?

Externaliser le problème sur le tatami

Avec tout ce qui a été déjà évoqué plus haut, on voit bien s’esquisser la manière dont les deux pratiques proposent de résoudre le problème ou peut-être comment elles proposent de ne pas le résoudre. Dans les deux pratiques, il ne s’agit pas en effet de résoudre le problème, attaque, etc., et encore moins de confondre la personne avec le problème. Il s’agit pour les deux de sortir de l’histoire du problème, afin de ne pas le renforcer.

Le processus d’externalisation du problème (la personne n’est pas le problème) et la carte de prise de position dans l’approche narrative permettent de développer avec la personne des perspectives plus larges pour démarrer une histoire alternative. La résolution du problème vient de surcroit.

De la même façon en aïkido, le conflit se retrouve externalisé sur le tatami. On parle alors de tangenter, de sortir de la ligne, afin de ne pas rester sous l’attaque et ne pas passer en force ni tension. On parle de libérer les appuis, de créer un déséquilibre, de mouvement, de bouger, là où la situation semble bloquée. L’aïkidoka ne cherche pas à résoudre le conflit de manière contraignante, en appliquant à tout prix une technique sur un partenaire que l’on aurait confondu avec la situation conflictuelle, l’ennemi. Dans le dialogue martial, le conflit se résoud de lui même, la pratique se centrant sur le développement de qualités corporelles, émotionnelles et intellectuelles.

L’esprit de l’aïkido est une tentative de valorisation mutuelle.

Où tout cela nous transporte ? De la musique...

En aïkido, nous jouons et simulons sur le tatami une histoire de combat, avec toute la sincérité de l’engagement. Et pour que cela soit possible, le lieu, le dojo ou temple, les costumes, les rituels sont là facilitant la plongée dans l’histoire qui devient alors réelle quelques instants, le temps de l’échange. Il y a bien tous les éléments d’une narration sur le tatami : une rencontre, un prétexte, une première question, l’attaque, des actions d’autant plus riches qu’elles acceptent qu’au fond le but final n’est pas important.

On prendra alors le temps de jouir du dialogue, entre déséquilibres et équilibres, comme un musicien de jazz qui improviserait une musique, trébuchant sur certaines notes, poétisant les silences, en résonance avec les autres musicien.ne.s ne connaissant pas totalement où cela va les mener ni à quel moment le dénouement aura lieu. Mais ce n’est pas grave. Il y a de la dignité dans la musique.

Pour conclure ce pas de côté entre les deux pratiques, je parlerai de ce sentiment recherché et que provoquent souvent les pratiques d’aïkido et les pratiques narratives après chaque conversation. Une bonne conversation permet aux partenaires de ressortir avec un sentiment de joie. Les sourires peuvent se lire sur les visages. Un bon récit crée l’enthousiasme.

Ainsi Franck Noël a écrit de manière poétique dans « Fragments de dialogue à deux inconnues » (p.24) : « Une bonne technique d’aïkido sera celle qui pourra se livrer totalement, sans fausse pudeur ni honte d’elle même. L’autre n’en sera pas choqué, anéanti, humilié… il en sera transporté et reconnaissant. »

Un après propos

Je termine cet article en songeant au contexte bien particulier de celui de l’élection du président des Etats-Unis, Donald Trump, et de l’impact mondial sur la résurgence des valeurs de puissance associées à celles de la masculinité.

Ainsi il m’apparait clairement que ces deux pratiques deviennent alors, si elles ne l’avaient pas été depuis le début, dans les intentions de Michael White et David Epston pour les pratiques narratives et de Morihei Ueshiba pour l’aïkido, des pratiques de résistance face à ce tournant ou à ce retour à un monde qui encourage un discours dominant de pouvoir, puissance, de l’ascendant du plus fort sur le plus faible et retombe dans ses travers dualistes, au détriment d’une vision de l’humanité riche et complexe.

C’est une vision si appauvrissante du monde, opposant les humains et les non humains, la nature et la culture, valorisant la supériorité de l’homme sur tout ce qu’il peut dominer et l’assouvissement de ses désirs sans limite. Plus que jamais, il m’apparait que ces pratiques sont importantes pour ne pas laisser quiconque dans le silence. Avec humanité et humilité.

 

* Définition de l’aïkido : art martial traditionnel originaire du japon, se pratiquant dans un dojo, à mains nus et avecarmes, dont le fondateur est Morihei Ueshiba. L’aïkido ne fait pas intervenir la compétition.

**Franck Noël, Sensei fondateur du Dojo de la Roseraie à Toulouse, 7ème dan d’aïkido

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