Bien mieux que le bulletin scolaire
Ce qu’il y a d’incroyable dans chacune des promos de la Fabrique Narrative, c’est que les histoires s’enchaînent et s’enchevêtrent créant chaque fois émotions, découvertes et liens. Bénédicte Dabin, que je remercie chaleureusement, nous partage une autre histoire possible du regard porté par un enseignant sur le travail de ses élèves. Elle nous fait la gentillesse de nous offrir ce témoignage que nous vous relayons à notre tour - Alexandre
A l’école Steiner-Waldorf de Chatou, l’élève de l’enseignement primaire ne reçoit pas de notes ; il reçoit un poème du Professeur.
Pour Thanh
Pour être maître tailleur, il faut des doigts agiles
Des ciseaux et du fil
Et une belle ardeur
Dans ta petite boutique
Pique, pique, pique ...
L’étoffe est coupée
Les morceaux assemblés
Le vêtement coquet
Est enfin essayé
Dans ta petite boutique
Pique, pique, pique ...
Les ourlets terminés
L’habit neuf emporté
Le tailleur avisé
Est enfin rassuré.
C.G. (Professeur)
Le Professeur observe, écoute, décèle les efforts d’apprentissage de chaque élève.
Que l’hiver était long
Dit le premier bouton.
Et dès la belle saison
Apparaissent à foison
Mille corolles emplies d’or
Qui réjouissent les cœurs.
Enchante-nous encor
Joli bouton d’or !
C.G. (Professeur)
Et cherche à respecter au mieux le rythme particulier de chacun.
Un maître questionnait :
Je ne vous demande rien sur la quinzaine écoulée.
Mais que dire de la quinzaine à venir ?
Dites-moi quelque chose là-dessus ? «
Aucun moine ne répondit.
« Chaque jour est un bon jour »
Sagesse Zen
Devant toute la classe
L’élève lit à haute voix ses poèmes devant les autres ; il les apprend même par cœur, se souvient-il.
Et nous les parents ?
Emus : des mots simples, si purs, si beaux
Apaisés : enfin nous ne sommes plus seuls
Interpellés : des fenêtres s’ouvrent, certaines à peine entrouvertes, nous questionnent et nous incitent à voir large, grand, autrement
Confiants : il trace déjà sa route personnelle, pas à pas, à son rythme
Pratique steinerienne versus pratique narrative ?
Il a fallu la séance dédiée à la documentation narrative et les échanges avec mes formateurs Alexandre Mougne et Olivier Perrin d’une part et les échanges avec mes compagnons de formation d’autre part pour que je perçoive combien cette pratique était de la même veine que les Pratiques Narratives.
En quelques mots peut-être, ce que j’ai retenu de la pédagogie de Rudolf Steiner
~ L’élève est considéré dans sa globalité et non pas seulement du point de vue de l’intellect, partant du principe que l’enfant s’éveille tardivement à la pensée abstraite
~ L’élève apprend sous des formes très variées : une notion peut être abordée par les sens ou le mouvement, intériorisée par les émotions et les sentiments, exprimée de manière artistique
~ Le Professeur observe comment l’enfant se lie à la matière étudiée, au travail (est-il expéditif ou au contraire perfectionniste, comment réagit-il face à un obstacle, ...) et aux autres (respecte-t-il le cadre donné, tient-il compte des autres, ...)
Il me semble que ces deux pratiques renvoient à une même démarche d’ouverture et de compréhension de la personne. Respect de soi et des autres, sens et sensibilité, agilité et créativité, liberté d’agir, temps vécu plus que temps physique, collectif, autant d’ingrédients partagés.