Documentation narrative : restons simples

Par Mathilde Taburet

Mathilde est à la fois coach interne dans une grande institution consulaire et thérapeute narrative dans le cadre de sa consultation personnelle. Elle revient sur l'esprit de la documentation narrative.

Il y a quelque temps, mon superviseur m'a vivement conseillé de lire l'article de David Denborough sur l’écriture de chansons communautaires et les pratiques narratives traduit par Fabrice Aimetti et publié l’été dernier sur le Wiki narratif de la Fabrique (voir ici pour le lire).

Cet article très intéressant a apaisé mon questionnement du moment sur la documentation, me redonnant la motivation pour continuer à « étayer des conversations narratives » en y mettant « du temps, de la pratique et de la patience », pour produire des écrits « simples, décentrés, avec un style et un ton modestes ». Il m’autorise à ne plus chercher à faire des efforts et prendre du temps pour produire des documentations super créatives qui, du coup, s’éloignent du client et de ses mots. C’est un soulagement et ça me permet d’envoyer la documentation beaucoup plus rapidement, de manière fluide.

Souvent, quand je prends mes notes ou que je les transcris, une idée de titre en émerge naturellement (comme « carnet de voyage » ou « déclaration d’indépendance »…) et en fait, cela suffit pour habiller les mots qui peuvent ensuite être écrits à l’état naturel, tels qu’ils ont été capturés, avec un simple toilettage filtrant.

En fait, je me souviens qu’à la Fabrique, lors du module sur la documentation, les praticiens étaient très créatifs et nous nous émerveillions devant leur inventivité. La forme prenait la lumière, détournant l’attention des mots des clients (qui étaient parfois transformés ou presque perdus). Cela m’avait d’ailleurs donné envie d’illustrer ma documentation avec des éléments visuels de ma création : certes, mon intention était de produire un joli document pour mes clients, mais c’était aussi une manière de me mettre en avant. Et quelle perte de temps ! J’ai abandonné l’idée.

Cette recherche de scénarisation créative m’a amenée à accumuler les documentations « à faire » depuis 3 mois : je voulais tellement faire des trucs créatifs et parfaits… que je n’ai rien fait, et ça a refroidi. Je vais rattraper tout ça, en version humble, simple et POUR mes clients, et envoyer dorénavant les documentations « en flux tendu ».

De plus, j’ai remarqué que certains praticiens peuvent se sentir démunis quand ils voient ce que les autres produisent en quelques minutes grâce à Power point ou Canva (certificats, diplômes, cartes postales etc…) : le fait de ne pas connaître ces outils les bloquent et c’est dommage !

C’est agréable pour le praticien qui s’amuse à le faire et exprime sa créativité, mais le risque est de perdre de vue l’esprit des pratiques narratives. Cela pourrait presque devenir une performance du praticien, alors qu’on devrait juste fournir un écrin minimaliste aux mots-trésors qu’on a attrapés en plein vol.

Finalement, je me dis que les certificats et autres documents sophistiqués mettent parfois tellement l’accent sur la forme et les couleurs que les mots du client sont parfois trop filtrés, restent dans l’ombre, et peuvent être dénaturés. Or, ce sont bien leurs propres mots que l’on doit restituer aux clients, au plus près de ce qu’ils ont dit : les mots scintillants du client, dans leur énergie d’origine, doivent être sur le devant de la scène, avec un costume et une mise en scène épurée.

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