Angoisse à distance
Frédérique Hoarau-Brunel est praticienne narrative à La Réunion. Lors d’une séance de supervision, elle m’a raconté comment elle avait réussi à maintenir “Angoisse” à distance en seulement quelques phrases. Cela a été si efficace et spectaculaire que je lui ai proposé de l’écrire pour partager ce moment d’exception qui pourrait vous inspirer. Bonne lecture. Olivier.
Lorsque je fais une formation, je la fais parce que je pense qu’elle peut m’aider à titre personnel et qu’ensuite elle pourra (éventuellement) me servir à en « aider » d’autres.
Alors par ce témoignage, je veux, à mon tour, rendre hommage aux Pratiques Narratives, aux formateurs qui m’ont formée, à cette communauté de Praticiennes et Praticiens narratifs, dont j’ai aujourd’hui l’honneur de faire partie. Parce qu’au-delà de la théorie, les pratiques narratives m’ont aidé et m’aident de plus en plus, de manière très concrète et pragmatique. Par ce témoignage, je veux éclairer ce qu’est l’externalisation dans les pratiques narratives.
Et quelque part aussi, rendre hommage à Boris Cyrulnik : « ce que nous nous racontons à propos de ce qui nous arrive est plus déterminant que ce qui nous arrive ».
Voilà mon histoire, qui m’a permis par l’externalisation de mettre « Angoisse » à distance :
Il y a 3 jours, j’ai eu mon fils au téléphone. Il fait ses études aux USA. Comme ça faisait quelque temps que je ne l’avais pas eu au téléphone, je lui demande pour plaisanter s’il est encore vivant. Et il me répond : « Oui, mais je ne sais pas encore pour combien de temps… » et là il me raconte qu’il y a un tueur en série dans sa ville ! 3 attaques au couteau en 6 jours. 2 morts, dont un étudiant de sa Fac de 20 ans ; comme lui. La 3eme personne : à l’hôpital. Il me dit qu’il ne faut pas paniquer. Que les cours du soir sont supprimés. Les examens repoussés. Que le FBI enquête. Qu’il rentre plus tôt et évite de sortir seul.
Et malgré tout ça : Angoisse !
Je l’ai vu arriver… “Et si c’était lui…”
Cette angoisse, je l’ai déjà rencontrée à d’autres moments où j’ai eu cette peur de perdre un enfant.
Ça m’a appris.
Cette fois, je n’ai pas eu envie de laisser entrer « Angoisse » et la voir s’installer confortablement sur mon canapé avec café et spéculos.
Alors je me suis « vu » lui parler et lui dire : « Tu ne m’es d’aucune utilité sur ce coup-là. On va attendre que le tueur soit retrouvé. T. fait ce qu’il faut pour se protéger... ». Et j’ai continué ma journée.
Et, le lendemain, petit message WhatsApp : “C’est bon, le tueur en série a été appréhendé.”
Peut-être que mon histoire, vous donnera des pistes pour mettre à distance « Angoisse ». Ou d’autres de ses copains ; vous donnera envie de découvrir comment ça marche avec l’approche des pratiques narratives, comment on passe d’une histoire à une autre ; comment on « répare les histoires » comme le dit Dina Scherrer…
Mai 2023
Frédérique Hoarau-Brunel
Coach et praticienne narrative à La Réunion
Formée à La Fabrique Narrative en 2022