Quelle peut être la place, ou la pertinence d’un coaching narratif en entreprise ?

Avec cet article proposant une lecture limpide des enjeux d’un coaching narratif, Céline Bedell nous propose un espace privilégié pour aiguiser notre regard narratif et déconstruire les prescriptions de coaching, nous interroger sur nos pratiques et dialoguer avec l’éthique narrative. Un article et un ouvrage à recommander pour qui se demanderait comment parler des pratiques narratives en organisation.

Alexandre Mougne


Après les traditionnelles cérémonies de vœux, voici venu le temps des sempiternels entretiens annuels d’évaluation et plans de développement des compétences. L’occasion, pour les cadres, managers ou dirigeants, de demander ou de se voir prescrire un coaching.

Derrière une demande de coaching professionnel il y a souvent, sous couvert « d’axe de développement », une histoire d’inadéquation aux attentes de l’entreprise.

Emmener les idées narratives en entreprise et tenter de redéfinir une pratique de coaching professionnel à partir de la posture décentrée-influente, c’est se trouver instantanément confronté :

  • à l’influence d’histoires dominantes qui façonnent la culture économique actuelle,

  • aux récits dominants de l’entreprise comme entité narrative avec ses mythes, ses codes et ses rituels,

  • aux récits véhiculés derrière les thèmes comme le leadership, le management, la gestion des priorités, des émotions et du stress, la souffrance au travail, la cohésion, etc.,

  • aux effets des activités de ces histoires dans les relations de collaboration et de pouvoir, dans le management, dans les systèmes d’évaluation des performances et des compétences, et bien évidemment dans la représentation que les dirigeants et les services de ressources humaines ont de la gestion des talents et du développement des collaborateurs,

  • à la perception des donneurs d’ordre et des personnes accompagnées quant à l’utilité et à l’utilisation du coaching comme devant permettre d’atteindre des objectifs précis, avec des indicateurs de résultats tangibles,

  • au choix d’indiquer que l’on utilisera l’Approche narrative, et en présenter les principes et la démarche au risque de passer pour un(e) illuminé(e), ou de ne pas le faire et d’avancer « masqué(e) » pour conserver le lien commercial avec le donneur d’ordre,

  • à la possibilité que ces histoires, dès lors que le coach narratif est en position de les entendre, commencent à agir sur son identité, soit en le recrutant à leur service, soit en suscitant chez lui des réactions de rejet, parce que ces histoires ont pu faire partie d’un vécu antérieur du coach dont il a choisi de s’éloigner, ou parce qu’elles menacent ou qu’elles écorchent des engagements, valeurs et espoirs qu’il chérit et qui sont en général à la base de son choix pour cette pratique.

L’objet du coaching narratif dans les organisations est de proposer des passerelles et des échafaudages permettant de remettre les personnes et les communautés au centre des savoirs et du pouvoir en tant que capacité à, possibilité de. Ceci réclame de la part des directions d’entreprises de l’ouverture et un certain courage, d’accepter d’entendre des récits minoritaires et de s’engager dans des voies alternatives aux côtés de leurs salariés. C’est permettre une histoire qui tente de réconcilier la production de valeur et la prise en compte des identités et des talents singuliers de ceux qui œuvrent à cette production. C’est rendre possibles de nouveaux récits vivants, régénérateurs et porteurs d’espoir.

Tel est le chantier ouvert au coaching narratif, et tel est également le fil, fragile et ténu, sur lequel ses praticiens cheminent.

 

Céline Bedell

Coacher avec l’Approche Narrative, préfaces de Pierre Blanc-Sahnoun et Dina Scherrer – 2è édition - interéditions

Précédent
Précédent

Quand le corps raconte…

Suivant
Suivant

Médecine narrative et thérapie narrative