L’histoire d’une cérémonie définitionnelle en bilan tripartite de fin de coaching
10 jours avant :
Au départ, une question en supervision à Catherine Mengelle et Fabrice Aimetti : « Existe-t-il un « protocole narratif » pour clôturer un coaching lors d’un bilan tripartite en entreprise ? »
Réponse : « non, mais nous allons l’inventer ensemble. »
Ils proposent que nous adaptions la cérémonie définitionnelle au bilan tripartite de fin de coaching et nous construisons ainsi un processus et des questions à partir de la carte du témoin extérieur.
Processus :
Avant la cérémonie :
A. Montrer les questions de la carte du témoin extérieur à la personne coachée.
B. Obtenir son accord :
a. Reformulation des éléments importants de l’accompagnement
b. Que serais-tu d’accord de restituer à Paul cet après-midi de tout ce que tu viens de dire ?
C. Briefer le commanditaire (témoin) : je lui ai montré les questions, lui ai expliqué le processus, évoqué la bienveillance et mon rôle de coach centré sur la personne coachée qui tiendrai le cadre pour dérouler le processus
D. Obtenir son accord
Pendant la cérémonie :
Installer le coaché et le témoin extérieur l’un derrière l’autre afin que celui qui répond à mes questions ne voit pas celui qui écoute
E. Conversation avec la personne coachée
F. On interroge le témoin et elle écoute
G. On interroge la personne coachée sur ce que vient de dire le témoin et le témoin écoute
La cérémonie définitionnelle :
Questions à Isabelle (personne coachée) :
1. Moments clés de l’accompagnement :
a. Images clés
b. Émotions de soulagement entre et pendant les séances
2. Quelle nouvelle ou différente image de manager cela te donne de toi ?
Qu’est-ce que ça dit de toi en tant que manager que tu ne savais pas auparavant ?
Quand j’entends ce que tu me dis, qu’est- ce que tu crois que je me fais comme image de toi en fin de coaching ?
3. Quel lien fais-tu entre tout ce que tu viens de me dire et l’entreprise ?
4. Qu’est-ce que les points 2 éveillent en toi ?
Questions au témoin, Paul, son manager, dirigeant :
1. Comment ce qu’Isabelle vient de dire résonne pour vous par rapport à votre entreprise (vision, projets, objectifs, culture d’entreprise) ?
2. Le fait d’avoir partagé ce processus, qu’est-ce que cela vous apporte ? Où cela vous emmène-t-il en termes de nouvelles possibilités, nouvelles initiatives, ambitions, projets en tant que manager de manager et peut-être plus largement ?
Questions à Isabelle :
1. Qu’est-ce que cela te fait d’avoir entendu Paul dire tout ça ?
2. Où est-ce que cela t’emmène en termes de projets et d’espoirs ?
Je repars de la supervision sans savoir si je vais oser le faire ou pas.
J’ai apprécié ce moment de créativité. L’idée que l’approche narrative est ouverte et nous autorise à inventer, oser des réflexions nouvelles… mais en même temps je me questionne : Comment la personne coachée va-t-elle réagir ? Comment son manager dirigeant va-t-il réagir ? Est-ce que nous ne nous faisons pas plaisir à nous ? L’intention est-elle tournée vers l’accompagnée au cœur de l’histoire ?
La veille du rendez-vous, je prépare tous les éléments pour dérouler la cérémonie définitionnelle.
J’ai un garde-fou, il me reste 3 heures de coaching le matin avant la tripartite de l’après-midi, si jamais notre conversation du matin insère un doute quelconque, je ne ferai pas la cérémonie définitionnelle.
Le jour J
Le matin tout se passe très bien.
Voilà l’histoire…
Le décor du bilan tripartite :
Le coaching se déroule dans une PME, que je connais très bien. Je suis déjà intervenue en coaching et conseil dans cette entreprise dont je connais bien la culture et partage les valeurs. Je connais bien le dirigeant, son intelligence managériale qui donne toute sa place au développement des compétences et à la question de la qualité de vie au travail. Ce n’est pas une base line marketing, c’est chez lui une conviction profonde.
Les acteurs :
· La personne au cœur de l’histoire : une manager de l’entreprise dont l’objectif général du coaching est l’amélioration de ses compétences managériales.
· Le témoin extérieur : le commanditaire du coaching c’est-à-dire son manager direct, dirigeant de l’entreprise.
· Une praticienne narrative en fin de cycle initiation, débutante mais convaincue.
Le scénario :
Au-delà de la carte et des questions, nous avons réfléchi au contexte et préparatifs de la cérémonie définitionnelle. L’idée au cours de cette supervision était dans un premier temps de poser les questions que nous avions élaborées selon la carte, dans un second temps, de lui demander quelles réponses elle serait prête à formuler devant son dirigeant et lui expliquer le déroulé de la cérémonie définitionnelle, dans un troisième temps, lui proposer le processus avec son dirigeant en témoin extérieur et ne le dérouler que si elle l’acceptait. Nous avions aussi envisagé que j’informe et prépare le témoin extérieur quelques jours avant, en lui présentant les questions.
J’ai suivi le processus avec la personne coachée mais pas avec le dirigeant. Je n’ai pas souhaité lui en parler avant qu’elle ne m’ait donné son accord. Je pense que j’ai bien fait. C’est elle que j’accompagne et c’est elle qui devait choisir de la faire ou pas.
Il se trouve qu’elle était d’accord sur tout. Elle s’entend très bien avec son dirigeant et l’estime en tant que dirigeant et manager. La confiance est vraiment présente entre eux deux.
J’ai rencontré le dirigeant une heure avant le bilan tripartite et lui ai expliqué le processus que je souhaitais mettre en place et pour être plus concrète, je lui ai montré les questions.
Sa réaction : « mais c’est psy votre truc Cécile »
Ma réponse : « oui »
Son interrogation : « vous pensez que cela peut aider Isabelle »
Mon affirmation : « j’en suis convaincue »
Tous mes doutes s’étaient envolés.
L’expérience fut extrêmement positive.
Pour la personne coachée : le processus est venu renforcer les 15 heures de coaching et surtout lever les freins et les doutes qui, je le savais, persistaient encore.
Son manager, dans son témoignage, a évoqué sa contribution importante pour l’entreprise, le fait que grâce à elle, « on est bon, on est capable de s’engager dans de nouveaux projets ». Il a fait part de ses difficultés à trouver le sommeil certaines nuits quand les préoccupations professionnelles sont trop envahissantes et de son questionnement quant à sa pratique managériale. Le fait que le Paul (témoin) exprime ses doutes, parle de certaines nuits encombrées de questionnements, a été très bénéfique pour Isabelle. Tout au long du coaching, elle parlait d’un « Wondermanager Dirigeant », qui savait tout et tout faire. Pour elle, depuis peu de temps manager et encore il y a peu, simple chef d’équipe, un manager n’a pas de doutes et a réponse à tout. Elle a donc entendu au cours de ce processus que ce qu’elle vivait, était vécu de la même façon par son manager et qu’elle pouvait donc comme lui être un manager à la hauteur. Elle a entendu que vivre du stress est inhérent à leur activité et non pas lié à un dysfonctionnement ou une incapacité quelconque la concernant.
Pour le témoin extérieur, le dirigeant manager : l’expérience lui a permis de réaliser, de confirmer et de formuler l’adéquation de la personne coachée avec la culture et les valeurs de l’entreprise mais aussi sa contribution à leur évolution.
Pour la praticienne narrative : « l’expérience du don » et le renforcement de mes convictions quant à la générosité et l’efficacité d’un accompagnement narratif. Toutefois, cette expérience a pu se réaliser car les conditions particulières décrites dans la partie décor de ce récit étaient réunies.
Je retiens de cette expérience forte que sa réussite nécessite des ingrédients particuliers :
- bien connaître les acteurs, leurs valeurs, la culture de l’entreprise
- avoir la confiance des acteurs
- être sûre qu’ils s’apprécient et s’estiment
- ne pas avoir de doute sur l’attitude bienveillante de chacun d’eux
NB : je me suis aperçue à la relecture que spontanément, je n’écrivais plus témoin extérieur mais juste témoin, ce qui au fond me semble bien plus logique, car il n’est pas dans ce cas extérieur au système dans lequel évolue la coachée. Il est vrai qu’il est extérieur au processus de coaching et au 15 heures d’entretiens individuels précédents. Qu’a exactement voulu dire Mickael White par extérieur ? A méditer…