La Fabrique Narrative

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Michael White et Steve de Shazer : nouvelles orientations de la thérapie familiale

C’est un énorme travail de traduction qu’a réalisé, avec justesse et précision, Fabrice Aimetti en s’attaquant à cet article, 5ème chapitre d’un ouvrage plus large sur les conversations thérapeutiques sorti en 1993.

La date est importante.

Concernant les auteurs, le CV de Jeff Chang, disponible sur le site de l’Université de Calgary (Canada), fait 15 pages, avec une liste de publications longue comme un jour sans pain. Il est thérapeute familial, psychologue, docteur et enseignant universitaire. Michele Phillips, quant à elle, a un doctorat de psychologie clinique délivré par l’Université de Calgary.

L’endroit d’où parlent les auteurs est important.

Fabrice est un archéologue. Depuis que nous le connaissons et à la moindre question que nous soulevons, il fouille partout et trouve des documents d’archive passionnants dans notre domaine narratif. Ces derniers temps, nous nous sommes demandé tous les deux s’il fallait distinguer les notions de « unique outcome » utilisée par White et d’« exception » utilisée par de Shazer et choisie en français pour traduire « unique outcome » (à tort ou à raison ?). Nous savions qu’il y avait eu des échanges entre de Shazer et White. En voici ici une trace "épaisse".

L’article nécessite une déconstruction (selon l’acception de White plus que de Shazer). Je ne suis pas la bonne personne pour le faire. Mais je peux toutefois témoigner de l’effet qu’il m’a fait.

Il est construit en deux parties :

Dans la première, les auteurs cherchent à mettre en évidence les ressemblances et dissemblances entre Pratiques Narratives et Orientation Solutions. Ils le font à travers un regard et des références palo-altistes qui semblent être leur univers. Cela donne un vocabulaire incroyable et mal adapté à mon avis à l’œuvre poursuivie. Quand je pense qu’on nous a déjà accusés de jargonner ! C’est très étrange cette idée de décrypter des pratiques nouvelles avec des instruments d’analyse datant d’un temps déjà passé… Les questions qu’ils se posent n’ont finalement que peu d’intérêt, je trouve.

L’article reste cependant extrêmement intéressant du point de vue de l’histoire : il nous aide à comprendre les difficultés que White et Epston ont pu rencontrer pour se faire comprendre au début. Il nous aide à comprendre comment leurs chemises à fleurs ont détonné dans le paysage encravaté et très « sérieux » de l’époque (fin des années 80 - début des années 90, 86 : 1er atelier de White au Canada, 90 : sortie aux États-Unis de Moyens narratifs au service de la thérapie), et comment ils ont pu séduire des praticiens, heureux d’une nouvelle forme de relation entre apprenants et enseignants.

Dans la deuxième partie, de Shazer et White répondent aux auteurs et discutent leurs points de vue. Ils ont deux façons très différentes de le faire. De Shazer semble déterminé à séparer distinctement les deux approches, sur un ton plutôt polémique et sans se préoccuper vraiment de bien comprendre celle de White. Il insiste sur leurs différences et considère et démontre que l’approche narrative est une approche orientée problème. Très étonnant.

White, dans sa réponse, me donne l’impression de se contreficher de ressemblances ou dissemblances et de s’attacher, probablement encore et encore, à expliquer son travail, sans le comparer. Il ne pinaille pas sur les mots (unique outcome ou exception), qui l’intéressent beaucoup moins que l’espoir de se faire comprendre mieux. Il prend la peine de reconnaître les immenses apports de de Shazer et son influence majeure sur une inflexion des idées en matière de thérapie. Sa réponse est un modèle pour moi. D’après ce que Fabrice m’a dit, elle l’est aussi pour lui.

Je ne sais toujours pas comment traduire "unique outcome" (Fabrice a choisi résultat unique) mais maintenant, je suis sûre que ça n’a pas tant d’importance que ça. Ce qui est important, c’est ce que nous faisons avec les personnes qui viennent nous voir.

Il est bien sûr urgent de déconstruire cette petite préface. Il était évident depuis le début que je serais plus touchée par les mots de White que par ceux de de Shazer ! Peut-être même que ce genre de préférence a été susceptible d’introduire un biais, que je n’ai forcément pas vu, dans la traduction de Fabrice ! ...Lien sur la traduction : Michael White et Steve de Shazer : nouvelles orientations de la thérapie familiale

Catherine Mengelle